Nullipare d’Augustin Passard : la maternité en question, la féminité en liberté - Sélection Off – 3e édition du Bleu Paris Festival

Publié le 8 mai 2025 à 14:18

Avec Nullipare, son tout premier court-métrage, Augustin Passard – comédien professionnel devenu réalisateur – signe un film subtil et engagé, à la frontière du drame intime et du manifeste social. Sélectionné en Off lors de cette troisième édition du Festival Bleu Paris au cinéma l'Arlequin, Nullipare nous a profondément touchés par sa justesse, sa délicatesse et sa capacité à évoquer sans détour des sujets encore trop peu présents à l’écran : le refus de maternité, la charge mentale des projections genrées, et la quête d’un amour respectueux.


« J’avais envie de travailler autour de sujets qu’on aime : le couple, le doute, les choix »

...explique le réalisateur à Maria Sosa, lors d’un entretien le soir du 1er mars 2025.

 

Dès les premières minutes, le ton est donné. Anouk, jeune chanteuse en pleine ascension, revient d’une interview radio où son refus d’enfant a été ramené à son genre, comme s’il fallait toujours se justifier. De retour chez elle, elle partage son agacement avec son compagnon. Ce qui suit n’est ni un affrontement ni une crise, mais un moment de partage : un dialogue dense, nuancé, sans violence. Anouk ne crie pas, ne pleure pas. Elle explique, raconte, souligne calmement l’inégalité de traitement entre hommes et femmes. Une parole posée mais puissante, qui dit avec simplicité ce que beaucoup de femmes ressentent : l’envie d’être libre de décider, sans être jugée.

 

C’est précisément cette liberté de ton, et cette manière de filmer l’intime sans emphase, qui fait la force de Nullipare. Augustin Passard choisit de placer l’humain au centre : le jeu d’acteur, subtil et habité, prime sur le cadre ou l’esthétique. En tant que comédien, il accorde une attention particulière à la sincérité du personnage. Ce parti pris donne au film une dimension presque documentaire : on a l’impression d’assister à une scène réelle, vécue, familière.

 

Mais si l’esthétique reste épurée, elle n’est pas absente. Le bleu, couleur omniprésente, structure le film. Anouk le porte comme une seconde peau : un bleu qui, dans notre culture, a longtemps été assigné aux garçons - ici, réapproprié comme une armure douce, une revendication silencieuse. Chez Passard, la couleur devient manifeste. Un étendard visuel pour une lutte discrète mais essentielle : celle du respect, de l’écoute, de l’égalité.


« On a grandi avec l’idée que le bleu, c’est pour les garçons, le rose pour les filles »

...rappelle le réalisateur. Ici, ce code est inversé. Le bleu est à Anouk. Et il est politique.

Il faut saluer le choix d'Augustin Passard : en tant qu’homme, traiter d’un sujet aussi profondément féminin que la maternité est un geste risqué. Non pas parce qu’il n’en aurait pas le droit, mais parce que c’est un terrain sensible, intime, et souvent mal compris. Pourtant, Nullipare évite les écueils. Le regard est doux, respectueux, bien que forcément partiel. Car aucun homme ne pourra jamais comprendre totalement ce que vivent les femmes. Mais ce film montre que l’effort d’écoute, de compréhension, peut être sincère - et qu’il peut aboutir à une œuvre profondément humaine.

 

Nullipare ne juge pas. Il n’oppose pas mères et non-mères. Il expose, simplement, l’idée que le choix de ne pas avoir d’enfant est encore trop souvent perçu comme marginal, comme une anomalie. Et il rappelle l’hypocrisie d’une société qui laisse des personnes fragilisées devenir parents alors qu'elles sont parfois peu aptes à élever un enfant, mais stigmatise celles qui refusent d’en avoir.

Derrière ce film, il y a aussi un véritable travail collectif, marqué par une volonté de bien faire. Augustin Passard le souligne lui-même :

« J’ai appris avec ce film. Je me suis entouré de personnes touchées par le sujet.
Avec l’équipe, on se rend compte qu’il y a toujours des histoires qu’on pense irréalisables, mais qui finissent par exister. »

 

Cette création est avant tout le fruit d’une collaboration sensible et réfléchie. La direction des acteurs, l’écriture précise, et la mise en scène épurée sont des éléments essentiels qui donnent à Nullipare toute sa force émotionnelle et sa profondeur.

En 12 minutes à peine, Augustin Passard crée un espace rare : un lieu de parole, d’émotion, de réflexion. Un film qui interroge sans imposer, qui touche sans heurter. À Bleu Paris, la couleur est politique. Et dans Nullipare, le bleu devient le symbole d’un combat tranquille, pour le droit de choisir, d’aimer, et d’être soi.

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