Focus lauréat : Eros Immo, le court-métrage primé par le public du Bleu Paris Festival 2025

Publié le 3 avril 2025 à 19:52

Et si d’une expérience cauchemardesque, germaient les prémices de l’amour ? Voilà le fil conducteur du court-métrage Eros Immo de Victor Besvel, présenté en sélection officielle, à l’occasion de la 3e édition du festival Bleu Paris Festival qui s’est tenu le 1er mars 2025.

 

Un agent immobilier étrangement avenant, Luceros (interprété par Luc Guiol), donne à Marc (Marc Poublan) le feu vert pour emménager dans un appartement. Une véritable aubaine, malgré une particularité : une porte relie son logement à un second appartement. Curieux certes, mais pas matière à s’alarmer. Pourtant, le soulagement d’avoir trouvé un logement est de courte durée. Ses cartons à peine déballés, Marc se retrouve en proie à l’insomnie, et quand il parvient à dormir, ce n’est pas d’un sommeil réparateur… Apparaissent dans ses cauchemars une femme mystérieuse, et chaque fois, l’issue est la même : un réveil en sursaut après avoir subi une attaque de Luceros, dont l’imagination semble inépuisable pour le tourmenter. Une semaine se passe, ponctuée de mauvais rêves, jusqu’à ce qu’on toque à la porte… celle qui sépare les deux appartements mitoyens. Fait alors irruption dans la vie de Marc, sa voisine (interprétée par Lucile Seguin), dont il apprend bientôt qu’elle souffre des mêmes cauchemars. Ils tombent sous le charme l’un de l’autre et Luceros révèle sa véritable nature : celle d’un Cupidon moderne, alors que l’amour naît entre les deux locataires.


Eros Immo est une œuvre à la croisée des genres, comédie dramatique étonnante qui emprunte aux codes du film d’horreur, pour mieux les transcender en se muant en romance.

Animé par l’envie de déjouer les attentes du spectateur, le réalisateur, Victor Besvel, installe une ambiance propice à l’horreur. Le film s’ouvre sur un pré-titre qui met en vedette l’agent immobilier Luceros, dont les mimiques oscillent entre affabilité et sarcasme inquiétant, bien décidé à décourager les potentiels futurs locataires, tant qu’il n’a pas trouvé chaussure à son pied. Luceros est incarné par l’excellent Luc Guiol, dont la vaste partition est extrêmement convaincante, à la fois hilarante et perturbante.

Les ingrédients d’un film d’horreur sont là : un agent immobilier inquiétant, le sentiment d’être épié, un piano qui joue tout seul… et les cauchemars, si vifs dont on ne sait s’ils sont rêves ou réalité. Marc est pris dans une spirale infernale qui l’enferme nuit après nuit dans cette même pièce baignée de bleu outremer, avec des plans aux accents Lynchiens.

 

Le bleu devient ici le révélateur du subconscient de Marc et du monde onirique qui prend vie dans son esprit malgré lui. Il véhicule ici le mystère, la sensualité de cette inconnue qui le regarde, et cristallise cet entre-deux dans lequel le protagoniste erre la nuit : ni totalement rêve, ni réalité – ou plutôt les deux à la fois. Ce parti pris visuel chromatique est finalement sublimé : avec la dernière répétition du plan avant que Marc ne découvre la cause de ses rêves, la scène se teinte désormais d’un rouge saturé, en contraste avec le froid du bleu. Comme si la révélation allait dissiper le froid du mystère, et le rouge ouvrir Marc à une passion naissante avec sa voisine.

Victor Besvel ne revendique pas de modèle particulier avec Eros Immo, et s’il aime beaucoup David Lynch, c’est surtout le réalisateur Ari Aster et la patte de la société de production indépendante américaine A24, qui l’inspire dans son travail. C’est en tous cas un payoff inattendu qui solde cette inquiétante intrigue : l’horreur cède la place à la rom-com avec un Luceros entremetteur ravi du succès de son entreprise.

 

Le nom du projet, Eros Immo, du nom de l’agence immobilière gérée par Luceros, est un clin d'œil à la mythologie grecque dont Besvel est féru. Eros est le fils d’Aphrodite, déesse de l’amour, et d’Arès, dieu de la guerre. Ce personnage né de la contradiction incarne parfaitement la dualité que le film distille, entre violence et romance. Derrière ce projet singulier de 11 minutes, il y a Victor Besvel, qui après une première formation aux Beaux Arts, se tourne vers une école de cinéma, sans toutefois aller jusqu’au bout du cursus. C’est dans ce cadre toutefois que prennent racine ses premières réalisations. S’ensuit un hiatus de cinq ans loin du cinéma, pour toutefois mieux y retourner : le jeune réalisateur vit désormais de son travail de vidéaste, dans le cadre duquel il fait notamment de la captation d’événements.

 

Eros Immo est le fruit d’un travail soumis à un certain nombre de contraintes : un décor atypique disponible pour une durée limitée, un scénario façonné en fonction de ce lieu, un casting réduit de quatre à trois comédiens, et une écriture qui s’est faite tant avant que pendant le tournage, lors duquel le comédien principal apporte ses idées. Le scénario a été écrit dans l’urgence avant que le comédien ne parte en résidence, avec seulement une semaine entre l’écriture et le tournage. Un processus collaboratif, “entre copains”.

 

Ce projet aussi loufoque que touchant confirme en tous cas le retour de Victor Besvel à ses premières amours : l’écriture et la réalisation. Et la recette fonctionne – l’audience est séduite, et la salle de projection est secouée de rires. C’est d’ailleurs à Eros Immo qu’est attribué le prix du public, attestant de l’engouement du public. Le prix est remis à un Besvel touché et reconnaissant de l’attention portée à son film. Une reconnaissance plus qu’encourageante pour un jeune réalisateur qui célèbre ici sa première sélection en festival, mais sûrement pas la dernière.

 

Rédigé par Gabrielle Gonçalves

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